Accident ischémique transitoire : un « mini-AVC » à ne pas négliger

Publié le

Natacha Czerwinski

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

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Accident ischémique transitoire © Getty Image

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Bref et sans séquelles, l’accident ischémique transitoire (AIT) est souvent confondu avec un simple malaise. Pourtant, il peut être un signe prémonitoire d’un accident vasculaire cérébral (AVC) imminent et doit être pris en charge en urgence.

Qu’est-ce que l’AIT ?


L’accident ischémique transitoire (AIT) est une altération temporaire et soudaine de la fonction cérébrale. « Celle-ci est due le plus souvent à une artère qui se bouche et qui, de ce fait, prive une partie du cerveau de sang et donc d’oxygène. C’est ce qu’on appelle une ischémie, décrit le Pr Sonia Alamowitch, chef de service des urgences cérébro-vasculaires à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et présidente de la Société française neuro-vasculaire. Le mécanisme est le même que dans l’accident vasculaire cérébral (AVC). Mais le propre de l’AIT, c’est que l’artère va se déboucher très vite, d’elle-même. »

Ces accidents s’observent plus fréquemment chez les personnes d’âge moyen et les seniors (60 ans et plus) mais les populations plus jeunes peuvent aussi être concernées par cette pathologie. « On estime que l’AIT touche au moins 30 000 personnes par an, mais il est difficile de donner un chiffre précis car tous les patients ne passent pas par l’hôpital », signale la spécialiste.

Comment l’accident ischémique transitoire se manifeste-t-il ?


Les symptômes principaux de l’AIT sont les mêmes que ceux de l’AVC, à savoir :

  • perte de force dans un bras et/ou une jambe, en général plus prononcée d’un côté que de l’autre
  • sensation d’engourdissement touchant une partie du visage
  • troubles du langage (difficultés d’élocution et d’expression)
  • troubles de la vision pouvant aller jusqu’à une cécité provisoire sur un des deux yeux.

D’autres manifestations, plus atypiques, peuvent également être constatées, telles que des vertiges, une perte de l’équilibre ou des troubles de la déglutition.

Contrairement à l’accident vasculaire cérébral (AVC), tous les signes disparaissent généralement en moins d’une heure. « Typiquement, ils durent quelques minutes et ensuite, tout rentre dans l’ordre, sans aucune séquelle pour le patient », précise le Pr Alamowitch.

Pour autant, ces signes ne sont pas à négliger…


Malgré la fugacité et la réversibilité des symptômes, l’AIT joue un rôle important de signal d’alerte : environ 25 % des AVC sont précédés d’un accident ischémique transitoire et le risque de faire un AVC dans les heures suivant un AIT est particulièrement élevé. « Je dis souvent aux patients que l’accident ischémique transitoire est une aubaine, car leur corps les a avertis que quelque chose de grave pouvait se passer, souligne le Dr Pauline Renou, neurologue et responsable médicale de la clinique de l’AIT au sein du CHU de Bordeaux. Le problème, c’est que les gens sont souvent faussement rassurés par le fait que les symptômes ne durent pas et ils passent à côté. »

C’est ce qui est arrivé à Cathy Schwartz. « Le soir du 1er janvier 2015, je dînais avec mon conjoint et ma belle-mère, raconte la présidente de l’association AVC AIT Carpe Diem, qui avait alors 53 ans. Nous fêtions la nouvelle année, mais sans excès. Vers 22 h 30, au moment de servir le dessert, je me suis retrouvée, d’un coup, la tête dans l’assiette. Je n’ai pas perdu connaissance, mais j’étais sonnée. Mon conjoint a voulu appeler les secours, j’ai refusé. Je suis allée me reposer quelques minutes et ça allait mieux. Par contre, j’étais très fatiguée. Une fatigue pesante, inconnue. Je saurai plus tard qu’il s’agissait d’une fatigue neuronale due à l’AIT. Je suis allée me coucher et, à 2 h 32, je me suis réveillée en sursaut : je faisais un AVC. Mon conjoint, heureusement, a tout de suite compris ce qui m’arrivait et a contacté le Samu. »

Aujourd’hui, cette patiente formatrice, qui travaille notamment avec l’Université de Bordeaux, s’emploie à mieux faire connaître l’accident ischémique transitoire auprès du grand public et des étudiants en médecine. « C’est un sujet crucial : plus ces accidents seront identifiés et référencés, plus il sera possible de combattre l’AVC. »

« Cliniques AIT » : un modèle à développer


Accueillir les patients en urgence, mais sans passer par les urgences : telle est la vocation des cliniques AIT. « Ces filières spécialisées sont encore assez peu nombreuses en France – on en compte une quinzaine, sous des formes diverses – mais c’est un modèle qui a prouvé son efficacité  », souligne le Pr Sonia Alamowitch, présidente de la Société française neuro-vasculaire.

Ces unités dédiées permettent une prise en charge rapide et ciblée des accidents ischémiques transitoires. Elles ont été pensées comme un relais entre la médecine de ville et l’hôpital. « Il arrive fréquemment que les victimes d’AIT parlent de leurs symptômes à leur médecin traitant à l’occasion d’une visite de routine, analyse le Dr Pauline Renou qui, avec son confrère Pierre Briau, dirige la clinique AIT du CHU de Bordeaux. Mais lorsque celui-ci les oriente vers les urgences, une fois sur deux, ils refusent d’y aller. Le généraliste va alors prescrire une IRM cérébrale, une consultation avec un neurologue et un bilan cardiologique, mais les délais d’attente pour ces rendez-vous sont souvent très longs… Or, on sait que le risque de faire un AVC dans les jours suivant un AIT est particulièrement élevé. »

À la clinique AIT, les patients bénéficient, en quelques heures, de tous les examens nécessaires et reçoivent un premier traitement. Une hospitalisation peut également être décidée si les signaux sont inquiétants. « Une telle structure ne représente pas un investissement énorme mais c’est un excellent moyen de prévenir une maladie, l’AVC, qui elle, coûte très cher, aussi bien aux patients qu’au système de santé », conclut le Dr Renou.
 

À quoi l’AIT est-il dû ?


Comme pour l’AVC, l’AIT s’explique majoritairement par deux causes : l’athérosclérose (soit le dépôt de plaques de graisse sur les parois des artères) et la fibrillation auriculaire (soit l’altération du rythme cardiaque, souvent caractérisée par une sensation de palpitations).

« Pour faire simple, l’athérosclérose est un encrassement des artères. Celui-ci peut être dû à de l’hypertension artérielle, à un excès de cholestérol, au diabète, à la consommation d’alcool et de tabac ou encore à l’obésité, détaille Pauline Renou. Et lorsque les vaisseaux sont encrassés, le sang a du mal à circuler. Quant aux maladies cardiaques, elles peuvent induire la formation de caillots qui vont migrer vers le cerveau. »

Pour ces deux pathologies (athérosclérose et fibrillation auriculaire), pourvoyeuses d’accidents ischémiques transitoires, l’âge est un facteur de risque aggravant. Mais les patients jeunes doivent aussi être vigilants. « Chez eux, la cause la plus fréquente d’AIT est la dissection cervicale : il s’agit d’une petite déchirure d’une artère, très souvent favorisée par une activité physique intense ou un mouvement brutal au niveau du cou, indique le Dr Renou. La consommation de drogues (cannabis, héroïne, cocaïne, amphétamines) peut aussi être à l’origine d’un AIT car ces substances provoquent des spasmes artériels et des troubles du rythme cardiaque. »

Que faire en cas de suspicion d’accident ischémique transitoire ?


L’AIT est une urgence qui justifie une prise en charge neuro-vasculaire immédiate. Si vous pensez en avoir été victime, appelez tout de suite le 15. « Tout l’enjeu est d’intervenir au plus vite pour éviter l’accident vasculaire cérébral (AVC). D’ailleurs, la mise en place d’un traitement dans les 24-48 heures permet de réduire de 80 % le risque de faire un infarctus cérébral dans les mois qui suivent », fait remarquer Pauline Renou.

Dans la mesure où les symptômes ont disparu, un interrogatoire approfondi du patient est essentiel pour bien identifier l’AIT. Même si l’accident ne laisse aucune trace visible, la réalisation d’une imagerie cérébrale (IRM) est également indispensable pour écarter la présence d’un AVC, donner des indications sur les causes de l’ischémie et évaluer le risque de récidive.

Comment est traité l’AIT ?


Le traitement à proprement dit passe par l’administration de médicaments à base d’aspirine ou d’anticoagulants destinés à fluidifier le sang et prévenir la formation de caillots. Comme dans les cas d’AVC, un AIT nécessite aussi, la plupart du temps, une éducation thérapeutique à moyen et long terme. « Les médicaments vont faire 50 % du travail de prévention de survenue d’un AVC ou d’un autre problème vasculaire mais l’autre moitié, c’est l’hygiène de vie, insiste Pauline Renou. Il faut notamment que les patients adoptent une alimentation plus saine, pratiquent une activité physique régulière et surveillent leurs facteurs de risque cardio-vasculaires. Nous leur conseillons par exemple de s’équiper d’un tensiomètre et de prendre régulièrement leur tension à la maison. Il est aussi important qu’ils aillent voir leur médecin généraliste au moins tous les trois mois pour contrôler leurs taux de cholestérol et de sucre dans le sang. »

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